vendredi 19 septembre 2008

Le Grand Fossé.

Ce soir, c'était resto avec une amie. On a plus ou moins grandi ensemble depuis nos 10 ans, enchaînant les délires et les fous rires. Ca faisait quelques temps qu'on ne s'était pas vues, par conséquent racontage classique de vie sur les cours/les amours/la famille/les amis/l'avenir.
Elle me raconte qu'elle est avec son copain depuis plus de 4 mois maintenant. Qu'elle est heureuse avec lui. Que sa vie tourne autour de lui. Que tous les jours elle le voit et passe des heures au téléphone avec lui. Et surtout qu'elle ne s'était encore jamais autant attachée auparavant, et qu'elle se met à se projeter dans l'avenir. Elle s'imagine bien encore dans deux-trois ans avec lui, ptit appart, job cool (ça tombe bien, ils veulent tous les deux travailler dans le secteur bancaire, ô merveille.), coulant des jours heureux. Enfin, elle a terminé sa tirade en déclarant qu'elle avait mûri, puisqu'à présent elle ne crie plus dans les couloirs du lycée, ne discute plus en cours, va beaucoup moins en boite et ne se sent plus obligée de bien s'habiller pour dixit "faire la belle dès que je sors et attirer l'attention", et que sa vie était désormais parfaite.
Bon sang. Je pensais que les clichés n'étaient valables que pour les autres, mais apparamment ça touche aussi des gens que je connais.
Je me suis genre sentie à des années lumières d'elle.
Et ce sentiment s'est encore renforcé quand je lui ai dit que j'étais à l'opposé de tout ça, et que j'ai tenté de lui raconter comment je voyais les choses (cf article précédent.). Oh, mais je me suis vite arrêtée quand j'ai vu cet étrange sourire en travers sur son visage, sur lequel on lisait "Ma pauvre, je n'ose pas te le dire mais je te trouve absolument puérile avec tes petit jeux stupides, moi à présent je suis bien au dessus de tout ça, puisque jai MURI, mais toi visiblement tu n'as pas encore atteint ce stade, HUMPF." (oui, on peut lire tout ça sur un seul sourire.).

Pour elle, tout comme pour de nombreuses personnes, une vie ne peut être réussie qu'avec un bon job, un appart décoré avec goût et surtout un mari sympathique avec lequel on vit le parfait amour. En bref, une vie posée. L'objectif de sa vie est de se poser pour vivre heureux à jamais. Tout un programme.

J'aurais voulu lui expliquer que cette perspective qui la fait tant rêver est pour moi l'illustration du pire des cauchemars. J'aurais voulu lui dire que la simple idée de m'arrimer à quelqu'un pour partager avec lui plus de 24 heures de ma vie me donne envie de gerber. J'aurais voulu lui dire que tout ce concept de "la vie est plus belle à deux" est pour moi synonyme d'ennui et révélateur de faiblesse personnelle. Que je méprise les couples pour cette dépendance qu'ils ont l'un envers l'autre. Que je vois le couple comme une corruption personnelle et une perte d'honneur, et que je suis bien trop fière pour accepter de m'abaisser à ça.
J'aurais aussi voulu lui dire que j'ai bien l'intention de crier encore longtemps dans les couloirs si j'en ai envie, et que je ne vais pas arrêter mes séances d'observation, (cf article précédent, again.) aussi stupides soient-elles. Et surtout, j'aurais voulu lui dire que ma vie ne sera à peu près appréciable que quand j'en aurai éliminé tout attachement à quoi/qui que ce soit; que je ne conçois le bonheur qu'en courant à droite et à gauche à travers la France/l'Europe/le monde, sans aucun boulet au pied me demandant de rentrer parce qu'on s'est pas vus depuis 1 semaine, et que quand on est en couple on doit se voir régulièrement sinon ça va pas.

Mais je n'ai pas essayé de lui dire tout ça. Elle n'aurait pas compris, et j'aurais eu droit à un nouveau sourire en travers. Je ne lui en veux pas, elle est heureuse, et c'est très bien comme ça. C'est mon amie et ça me fait plaisir de la voir avec le sourire.
On a juste des conceptions de la vie franchement éloignées.

Ca ne me dérange pas supporter les regards condescendants-méprisants, les petites remarques piquantes et les longs discours moralisateurs sur les bienfaits de "la vie à deux, la vie normale quoi".
S'il faut ça pour que je garde ma fierté et mon indépendance, c'est un prix que j'accepte de payer sans problème.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

ce blog est une super idée, c'est tout simplement énorme !

Chacha a dit…

Ce qui me tue, c'est que j'ai l'impression qu'on accepte les autres comme ils sont (tu dis que tu es contente pour ta copine, et j'en suis persuadée, tu l'es, sans la moindre ambiguïté, simplement, seulement tu n'as pas la même vision de la vie qu'elle mais bon, ça te fait plaisir de la voir heureuse (dans le "tu" je m'englobe aussi, ainsi que nous toutes d'ailleurs ici)), on accepte les autres, mais les autres sont toujours à nous juger, à vouloir nous dire "c'est pas vrai ce que tu penses" ou "tu changeras"
Et j'en ai plus que marre.